mercredi 20 janvier 2016

Concours de création Globtopus

Bonsoir à tous, 

J'écris cet article un peu particulier pour vous partager ma participation au Concours créatif de Globtopus. Il s'agit d'une nouvelle qui s'inspire de l'émission Les Chroniques du Necronomicon que l'on retrouve sur la chaine de Globtopus

N'hésitez pas à aller voir la rediffusion du live pour écouter ma nouvelle et voter pour moi si cela vous dit. 

Je suis la participante numéro 12 avec le pseudonyme Nesaraul. 



La Maison sur La Falaise
           

Nous avions décidé de participer à un jeu de rôle pour Halloween, profitant de l’ambiance horrifique que promettait cette soirée. Je n’avais jamais véritablement apprécié cette fête américaine. Pourtant, mon cœur de rôliste ne pouvait se résoudre à rater l’Appel de Cthulu. Nous nous étions donc retrouvés, mes trois camarades et moi, dans le salon de notre cher Maître du Jeu, arborant ses éternels cheveux longs et modulant sa voix de façon à rendre le discours plus vivant comme il le faisait pour ses vidéos sur YouTube. Pour l’occasion, nous avions revêtît nos plus beaux costumes afin de nous fondre dans le contexte des années 20 et de renforcer l’immersion. La pièce, uniquement éclairé à la lueur des bougies, rendait l’atmosphère délicieusement oppressante. Rassemblés autour d’une table de bois, nous étudions les fiches de nos personnages. J’étais tombé sur un certain Paul Lemond, un ingénieur de vingt-sept ans, spécialisé en mécanique, au visage anguleux, arborant un air sévère accentué par sa grande moustache. La barbe longue et noire, taillée en pic d’élégante manière, lui donnait plus de charisme encore. Note assez cocasse, il était dit que je pratiquais la boxe anglaise, un art fort à propos pour corriger les cambrioleurs, mais qui paraissait peu efficace devant l’apparition d’un de ces monstres horrifiques dont Lovecraft avait le secret. Le jeu de rôle commença. À chaque nouvelle information glanée, il me semblait quitter un peu plus ma perception pour embrasser totalement celle de Paul et me laisser entrainer dans l’histoire. L’illusion toutefois n’était pas complète. Quelques questions de mes camarades  adressées au maître du jeu ou encore le bruit de voiture passant dans la rue me ramenaient parfois à la réalité. Le scénario était fort simple, nous étions trois amis invités par une ancienne connaissance pour pêcher dans sa maison de vacances. Celle-ci, inoccupée depuis longtemps, paraissait vieille et vétuste. Pourtant, la description fut si saisissante, qu’un instant, je crus que la porte qui avait claqué au premier étage était celle du salon de notre hôte. 

*

            Lorsque Mike ferma derrière nous le gros verrou qui sécurisait la porte d’entrée, je fus saisi d’une appréhension étrange et réalisais au combien nous serions isolés durant les quelques jours passés ici. Le salon me procura une impression plus agréable, ses larges fauteuils de cuir près des nombreux livres de la bibliothèque m’invitaient à y prendre place en compagnie d’un bon verre de Whisky. Nous gagnâmes le premier étage. Le couloir qui menait aux chambres et à la salle d’eau était recouvert d’un parquet neuf habillé de tapis rouge qui conférait à la maison un aspect un peu plus chaleureux. Ma chambre, plutôt austère, semblait propre et bien entretenue, si on occultait les vieilles photos aux goûts douteux ornant les murs, donnant à l’ensemble une atmosphère sinistre. J’y déposais à la hâte les affaires emportées pour le week-end et retrouvais les autres pour notre partie de pêche.

            Nous regagnâmes la plage par un petit chemin descendant la falaise bordée par d’énormes récifs. Le sable gris s’accordant au ciel terne et au vent froid avait rafraichi quelque peu notre enthousiasme. Notre déconvenue n’en fut que plus grande en constatant que le ponton auquel était attachée la barque de Mike avait été entièrement détruit. Alors que mes amis restaient près des planches de bois à se questionner sur la façon d'aller pêcher le plus rapidement possible, je remarquais un vieillard fixant l’horizon. Marchant vers lui je tentais d’attirer son attention. Mais l’homme affolé murmurait inlassablement des mots incompréhensibles et paraissait à bout de souffle. Il ne m’écoutait pas.
            « Monsieur, excusez-moi monsieur ? » insistai-je d’une voix plus forte. 
            Il posa sur moi des yeux effrayés qui semblaient ne pas me voir. Quand enfin il prit de nouveau la parole, ce ne fut que pour me répéter les mêmes paroles insensées plus distinctement cette fois :
           
« Pauvre fou, pauvre fou, que faites-vous là, oui ! Que faites-vous ! Partez… Les ombres dans la mer… Les ombres que rien n’arrête. Remonter ! Remonter ! Elles remontent !. Elles reviennent à nous ! »
            Quelque chose dans son air démon, dans sa voix suraiguë déformée par la peur me communiqua soudain son angoisse. Son corps frêle tremblait furieusement comme il continuait de parler, psalmodiant cette litanie glaçante à propos d’ombres et d’anciens. Je me forçai à ne pas écouter, lui conseillai de rentrer s’habiter du froid et regagnai les autres restés près de la mer. Soucieux de ma mine déconfite, ils me demandèrent si quelque chose n’allait pas puis m’annoncèrent leur désir de reporter à plus tard notre partie de pêche. J’accueillis cette information avec un certain soulagement et justifiai mon état par une fatigue feinte. Durant la soirée, pendant que tous bavassaient devant un jeu de cartes, je m’étais isolé dans ce grand fauteuil, un verre à la main, sans parvenir à me dépêtrer de ce malaise poisseux, me collant à la peau depuis l’échange avec le vieil homme. Quelle chose avait donc pu l’effrayer à ce point ? La même sans doute qui avait détruit la barque et le ponton. Je n’étais pas crédule, aucune tempête n’avait sévi dans les environs depuis plusieurs jours. Alors quoi ? L’alcool ne faisait que renforcer mon angoisse, je prétextai un état de lassitude pour me rendre dans ma chambre. Les autres, absorbés dans la partie et déjà accaparés par leur discussion, ne protestèrent pas beaucoup. Mais comme je m'apprêtais à quitter la pièce, un ouvrage ancien, dépassant légèrement des étagères, attira mon attention. Sa reliure de cuir, décollée et jaunie, accusant le passage du temps. Par un réflexe, relevant presque de l’instinct, je m’assurai que personne ne me remarque et emportai le livre pour en commencer la lecture. Une fois dans ma chambre, je pris soin de fermer le verrou et m’installais sur mon lit. Je déchiffrai avec peine la couverture qui me semblait plus tenir des sciences occultes que de la littérature de salon :
Le Nécronomicon, murmurai-je déjà en proie à une fascination étrange qui me fit ouvrir les pages à la hâte. Mes yeux coururent de paragraphe en paragraphe, saisissant quelques brides, sans comprendre le reste, et pourtant, à chaque page tournée grandissait en moi une singulière impression d’angoisse, qui me tétanisait. Incapable de décrocher mon regard, j’hésitai à pousser plus loin mon exploration, redoutant sans doute ce que me révèlerait cet ouvrage. Le cri qui s’échappa de mes lèvres lorsque je remarquai une des gravures m’effraya moi-même, si bien que je rejetai le livre sur le lit. Un dessin schématique, orné d’inscriptions occultes représentait une chose, une abomination monstrueuse de par sa taille et sa forme, jaillissant des flots, pourvue de mille tentacules. Je n'eus pas la force d'observer davantage. Mais l’image me hanta cependant, jusque dans mon sommeil. J’avais résolument fermé ma porte à clef, et laissé la petite lampe à huile brûler sur ma table de chevet, quand un bruit indescriptible m’arracha à mes couvertures. Bondissant près de la fenêtre qui donnait vue sur la mer en contrebas, j’eus une vision fantomatique de la créature innommable semblant immerger pour venir s'échouer sur le rivage.

*

« La séance est finie », annonça notre maître du jeu m’arrachant à l’angoisse violente qui s’était emparée de moi en cette fin de partie. D’un œil hagard, je parcourais la pièce du regard, comme redoutant d’y trouver quelque chose. Suivant mes camarades dehors pour rentrer chez moi, je plaisantais de ma propre frayeur. Mais alors que j’empruntais la ruelle menant à ma voiture, il me sembla percevoir une ombre immense dans les ténèbres.



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