jeudi 22 décembre 2016

Interview de Ielenna


Présentation de Ielenna 

Ielenna est une auteure arrivée sur internet en 2006. C’est une passionnée multitâches qui écrit, chante, compose et a donné naissance à de très nombreuses histoires. Je peux vous citer par exemple l’excellente fiction Ludo Mentis Aciem, qui reprend à merveille l’univers de JK Rowling tout en développant une histoire riche et des personnages uniques. 
Mais si je consacre aujourd’hui un article à Ienny, ce n’est pas pour parler de ses très nombreux projets, ou encore de l'association Génération Écriture dont elle est la directrice depuis 2010, mais bien pour mettre en lumière les Chroniques des Fleurs d’Opale

Petite séance de rattrapage pour ceux qui prennent le train en route : 

Il s’agit d’une histoire fantasy qui a d’abord été posté sur un blog et a conquis le cœur de nombreux lecteurs. Après des années de gestations et de travail, Ielenna a décidé de porter ce projet sur Ulule pour lui permettre d’exister. Elle explique plus en détail les raisons de ce choix ici.

Je lui ai posé quelques questions sur l’écriture de cette fresque titanesque et sur son parcours hors du commun et je la remercie encore pour ses réponses

Place à l'interview 

Laura : Les Chroniques des Fleurs d’Opale est un projet titanesque qui a vu le jour en 2006. Aujourd’hui, cet univers va prendre forme grâce au projet Ulule que tu as lancé en octobre et qui rencontre un franc succès. Comment as-tu réussi à garder le cap toutes ces années, à ne pas te démotiver ? Ne craignais-tu pas de te « lasser » au fil du temps ?

Ielenna : J’ai la chance d’être une personne qui ne se lasse jamais de l’écriture ou atteinte du syndrome de la page blanche. Je ne connais pas ça ! Me mettre devant une page donnera toujours un résultat, c’est assez merveilleux comme don ! Je ne pensais jamais aller aussi loin avec les Fleurs quand j’ai débuté il y a dix ans (et je me dis ça pour tous les projets que je lance !), mais je gardais toujours cette même passion. C’est une histoire qui fait partie de moi et sans laquelle ma vie serait plus terne, peut-être.


Entre 2006 et aujourd’hui, tes influences et ta plume ont évolué. Comment as-tu appréhendé le travail de réécriture sur les Fleurs pour conserver une unité dans l’œuvre ?

C’est venu très naturellement. En terminant le tome I, j’ai tout de suite enchaîné sur le tome II pour ne pas perdre mon élan. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de jeter un regard en arrière et de me faire la réflexion que l’écart de qualité était quand même important entre ces deux tomes. Après 100 pages de tome II, j’ai donc rouvert un document vierge et ai réécrit le tome I, avec le premier jet en visu. Et je ne le regrette absolument pas ! Je ne l’ai pas vécu comme une tâche ingrate, bien au contraire. Je redécouvrais mon univers, ça me permettait de creuser certains points, d’explorer et d’étayer davantage la psychologie de certains personnages.

Tu nous as dit que le début des Fleurs t’a été inspiré par un rêve, [source], mais comment t’es-tu organisée pour l’écriture à proprement parler ? As-tu balisé le terrain en amont à l’aide d’un plan ou de fiche de personnages ?

Je n’avais pas de plan du tout. Seulement un gros fil rouge. Un début, une fin. Je suis l’une de ces auteurs qui a écrit avec internet. À l’époque, l’histoire était suivie sur un forum (et bien suivie !), donc cela fonctionnait par roulements. Chaque chapitre devrait comporter une action, un petit élément qui faisait qu’on avait envie de lire la suite. Cela m’a appris à rythmer l’histoire, à essayer de la faire vivre, au risque sinon de perdre mon lectorat. Ça me permettait également d’avoir des premiers avis. Des gens qui donnaient des hypothèses, qui avaient des souhaits, d’en découvrir plus sur tel et tel personnage. Je suivais rarement leurs idées, mais ça me donnait une meilleure vision pour savoir sur quels éléments m’appuyer pour avoir leur appréciation. Écrire cette histoire sur internet lui a conféré une dynamique incroyable.

Même si je n’avais pas de plan, j’avais cependant plein de fiches personnages, des fiches sur les magies, sur les villes. Que des feuilles volantes ! Depuis, je me suis améliorée dans l’organisation de mes histoires, mais le fond de fonctionnement reste le même. Rien n’est ancré dans le marbre. Je me laisse toujours une bonne marge de création et d’imagination.

En fait, avoir le début et la fin, avec des personnages et un fil rouge, c’est un véritable puzzle. Et je trouve ça stimulant ! Plus que d’aligner les actions les unes à la suite des autres. Il faut réfléchir à tout, aux conséquences, aux relations. Il faut savoir créer chaque pièce pour que l’ensemble ait une cohérence.

As-tu un souvenir marquant lié aux Fleurs d’Opale ? La fin du premier jet, ou l’écriture d’une scène en particulier, par exemple ?

J’en ai beaucoup, puisque c’est une histoire qui me suit depuis maintenant dix ans ! Je me souviendrai toujours de certains points bien particuliers :

· La création du personnage de Yasalyn, sous ma douche, c’était le 14 novembre 2006. Ça a été très rapide et incroyablement passionnant !
· Celui de Yûni, que nous avons inventé avec une amie de l’époque, en cours de physique-chimie (bravo l’assiduité !)
· Je n’ai pas de souvenir précis du moment où j’ai posé le mot « fin », mais je me souviens de la douleur d’avoir rédigé les derniers chapitres.
· La réécriture de la scène du meurtre de la partie 1. Je ne vais pas spoiler, mais clairement, il s’agit de l’une des meilleures scènes que j’ai écrites dans ma vie !
· La réécriture du chapitre de la bataille finale, car j’ai écrit de 8h du matin à 20h non-stop, ça a été une journée de folie !

Selon toi, ton imagination est plutôt visuelle ou émotionnelle ? « Vois » tu clairement tes personnages dans ton esprit ou restent-ils des mots et des concepts ?

Mon imagination est purement émotionnelle, mais les émotions créent la vision qui va avec. Je fonctionne beaucoup avec la synesthésie et les métaphores, mais cela donne un corps à ce qui inspire tout cela.
Quant à mes personnages, ils sont très nets dans mon esprit. C’est assez frustrant de ne pas avoir un trait de dessin plus aiguisé pour les illustrer !

Quelle a été la plus grosse difficulté que tu as rencontrée en travaillant sur ce projet ? Au contraire, y a-t-il une étape qui a été plus facile que prévu ?

Je pense que c’est ma sensibilité qui m’a freinée le plus. Et ma susceptibilité ! Car je prenais systématiquement mal toutes les critiques un poil négatives qui me revenaient dessus. Même si une chronique était 99% positive, le petit 1% de mitigé ou négatif me questionnait beaucoup. C’était beaucoup de remises en questions. J’ai appris à garder une ligne directive, à avoir des convictions d’auteurs et de ne pas m’en éloigner sous prétexte que ça ne plaisait pas à certains. Car personne ne pourra écrire un livre qui plaise à absolument tout le monde ! C’est impossible. Question de goûts, tout simplement.

Étape plus facile que prévu, je ne sais pas… ! Mais comme je n’ai pas ressenti de difficultés particulières dans l’écriture même, j’ai du mal à trouver des facilités !

Il faut une sacrée dose de courage et de motivation pour prendre son élan et se lancer sur Ulule. Avais-tu des craintes avant de faire le grand saut ? Quel fut ton ressenti sur cette expérience ?

J’en avais un peu, qui n’en aurait pas eues ? Mais plus que d’échouer, au départ, c’était réussir qui m’effrayait ! Car j’allais me lancer encore dans un truc démentiel qui allait me demander beaucoup de temps à consacrer. Et puis je me suis dit « zut ! », il faut prendre des risques dans la vie, donc j’ai foncé. J’ai la chance d’être soutenue par un lectorat incroyable et généreux, donc je ne me faisais pas trop de souci à propos de l’objectif à atteindre.

Ça a été beaucoup de plaisir, pour préparer cette campagne. Préparer tous les packs, imaginer toutes les contributions possibles, pré-remplir mes tableurs, designer les montages… Je me projetais dans quelque chose de concret et ça redonnait un souffle neuf à mon histoire.

Quand la campagne a ouverte à minuit, la page a tout de suite été très suivie ! Je suis restée devant mon ordinateur, incapable de décrocher de mon écran avant trois heures du matin, excitée comme une gamine le 24 au soir en attendant le père Noël. Le palier des 1000€ qui permettait de débloquer la couverture a été atteint à mon réveil quelques heures plus tard. Les 100% n’ont pas tenu 60h de campagne ! Et un par un, les paliers ont sauté tellement vite que je n’avais pas anticipé les montages de réussite ! Ça a été des jours incroyables, qui m’ont mis du baume au cœur.

La couverture de la Candeur de la Rose – partie 1 illustrée par Anna Dittmann est sublime. Comment as-tu travaillé avec cette illustratrice ?

Je l’ai contactée un peu sans compter là-dessus. Anna est une artiste que je suis depuis des années et j’admire énormément son travail. Comme beaucoup d’artistes que j’ai contactés ne m’ont jamais répondu, même à la négative, je ne m’attendais absolument pas qu’elle m’envoie un message enjoué ! C’est un autre rêve devenu réalité.

Sa façon de peindre les portraits de femmes, souvent liés à des fleurs, rentrait parfaitement dans l’idée que je me faisais de ma couverture. Je lui ai alors expliqué en détail ce que j’avais en tête. J’ai surtout dû lui expliquer les métaphores derrière le portrait (in english of course), qui seront en corrélation avec la future couverture de la partie 2. Je voulais que Diphtil apparaisse en Déesse de la Vie, les yeux clos, comme rêveuse, avec des roses blanches. Ce qui sera tout l’inverse pour la partie 2. Elle a été très emballée par l’idée car cela rentrait tout à fait dans ses cordes.

J’ai payé l’acompte et à partir de là, elle m’envoyait un sketch et ses avancées tous les 2-3 jours, de manière à ce que la couverture soit prête en deux semaines. Chaque fois, je suggérais des changements, des améliorations, qu’elle prenait en compte. Mais je suis particulièrement impressionnée par la manière qu’elle a eu de reproduire à la perfection l’image que j’avais en tête. Et Diphtil ne m’a jamais parue aussi réelle !

Elle attend maintenant que je lui donne le feu vert pour la partie 2, qui sera financée en partie avec les collectes de la campagne (car ce n’est pas tout le monde qui s’offre une couverture d’Anna Dittman !).

Étant donné que le palier de financement a été atteint, tu sais maintenant que ce beau projet va voir le jour. Mais quels sont tes prochains objectifs concernant l’avenir de ce roman ?

De pouvoir le faire perdurer et pouvoir lui donner des suites. C’est bien beau d’avoir un tome I, maintenant, il y a aussi une suite ! Après, je n’ai pas d’objectif en tant que tel, si ce n’est d’offrir une lecture plaisante et de prendre moi-même mon pied dans l’écriture. C’est déjà énorme en soi !
Mais si j’avais un objectif utopique et pas modeste pour deux sous en tête, ça serait de prouver que la fantasy, ce n’est pas un genre impliquant forcément des elfes, des nains et des dragons, que ce n’est pas un univers seulement réservés à une catégorie de personnes ou du lectorat, et que, même si Bottero a bien commencé dans ce chemin, qu’on peut écrire de la fantasy « féminine » accessible à tous. J’ai envie de réconcilier les gens avec la fantasy, même si, à nouveau, cela a déjà démarré avec la mondialisation TV du Trône de Fer et de l’univers de Tolkien à travers les différents films sortis depuis 15 ans.

Pour finir, si tu ne devais citer qu’une phrase des fleurs, ce serait :

Une seule phrase ? Chaud patate ! Euh. Je vais m’accorder un tout petit paragraphe !

« Tirez une leçon de cet instant : la vie n'a aucune valeur sans surprise, sans rebondissement. Le savoir absolu n'apporte rien à la saveur qu'elle possède à vos yeux. Sa préciosité, c'est votre ignorance qui se conjugue aux multiples découvertes vers lesquelles elle vous mènera. Voici la beauté de la vie. Alors, appréciez-la à sa juste valeur, maudits mortels ! »

http://www.lesdessousdelaplume.fr/search/label/interview

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